Après neuf jours de grève au sein du réseau Le Relais, la collecte de vêtements usagés reprend progressivement. L’occasion de faire le point sur un système à bout de souffle – bornes saturées, recyclage en crise – et d’explorer des alternatives pour agir à notre échelle.

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Depuis mi-juillet, les bornes de collecte textile Le Relais débordent ! Les sacs s’empilent sur les trottoirs, les associations tirent la sonnette d’alarme. Au cœur de cette crise : une grève inédite lancée le 15 juillet par les salariés du réseau d’insertion Le Relais, chargé de collecter et trier les vêtements usagés dans plus de 20 000 points en France. Une grève justifiée par la baisse des financements et la saturation de la filière. Reprise annoncée jeudi 24 juillet, mais les problèmes demeurent. Pourquoi nos vêtements deviennent-ils des déchets si vite ? Que faire de nos habits en attente de seconde vie ?
Une filière en tension : surabondance et saturation
La grève de juillet 2025 a mis en lumière une situation déjà explosive : la collecte textile est engorgée. Les Français jettent près de 700 000 tonnes de textiles par an, mais seule une fraction est valorisée efficacement. Le reste, souvent trop abîmé ou de mauvaise qualité, part en destruction ou en enfouissement.
42 vêtements par an : la boulimie textile
Les associations dénoncent le fléau de la fast fashion : des vêtements peu chers, très vite démodés ou abîmés, impossibles à revendre ou recycler. Et des volumes toujours plus importants : en 2024, les français ont achetés 3,5 milliards de vêtements neufs, soit 10 millions par jour. Or, les centres de tri comme ceux du Relais ne peuvent absorber qu’une quantité limitée de textiles. Résultat : les conteneurs débordent, les entrepôts saturent, les équipes n’arrivent plus à suivre.
Autre enjeu : l’export, en particulier vers l’Afrique, devient de plus en plus critiqué. Plusieurs pays refusent d’accueillir des tonnes de déchets textiles occidentaux, accusant ces importations de nuire à leur marché local. La filière est donc étranglée à la source comme à la sortie.
Grève et enjeux sociaux : quand l’économie sociale vacille
Le Relais est une entreprise d’insertion par l’activité économique. Sur les 2 000 salariés français du réseau, une large part sont en contrat d’insertion. La grève de juillet a mis en cause la viabilité du modèle : le tarif de reprise versé par l’éco-organisme Refashion (en charge de la filière textile) est jugé insuffisant par les équipes Le Relais.
Les grévistes ont réclamé une revalorisation, jugeant que la survie de leurs emplois était en jeu. Car si Le Relais ne peut plus financer ses collectes, ce sont des milliers de tonnes de textiles (120 000 tonnes l'an dernier) qui risquent d’être abandonnées, mais aussi des parcours d’insertion qui disparaissent. En toile de fond, c’est tout le modèle de la responsabilité élargie du producteur (REP) textile qui montre ses limites.
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Le gouvernement a annoncé une aide 49 millions d'euros, soit 15 millions de plus qu'en 2024, pour la survie de la filière, ce qui a conduit à la reprise des activités. Mais ce coup de pouce sera-t-il suffisant ?
Bornes pleines : que faire de ses vêtements aujourd’hui ?
La reprise annoncée le 23 juillet est progressive depuis le jeudi 24 juillet. Certaines bornes peuvent donc rester saturées quelques temps. Le mot d’ordre pour les usagers : ne pas forcer les dépôts, ni laisser les sacs au sol. Cela gêne la collecte, favorise les dégradations et rend les vêtements irrécupérables.
Voici quelques pistes responsables en attendant que tout rentre dans l'ordre :
- Stocker temporairement ses dons chez soi jusqu'à reprise effective.
- Donner en direct à des ressourceries, friperies solidaires ou associations locales (Emmaüs, Croix-Rouge, La Cravate Solidaire...)
Lire notre article : Où donner ses vêtements usagés - Réparer ou transformer : apprendre à repriser, récupérer, upcycler.
10 façons d'utiliser de vieux tissus - Vendre ou troquer : plateformes de seconde main, vide-dressings, applications d'échange.
Cette crise rappelle que notre consommation a des conséquences en cascade, y compris sociales. Le conflit chez Le Relais ne se résume pas à un problème logistique. Il met en lumière l’épuisement d’un modèle fondé sur la surconsommation textile et le sous-financement du recyclage. Pour les citoyens, cette situation est une invitation à repenser nos habitudes : acheter moins, mieux, réparer, partager. Car recycler ne suffit plus.